Lens Sergio et sa famille ont fui la mort en Angola, mais sont expulsables de France
marc on 04/05/2019


Article de la Voix du Nord - par Vincent Danet | 29/03/2019

Arrivés d'Angola où ils étaient menacés dans le bassin minier à l'été 2016, le trentenaire, son fils Teofilo et sa compagne Grâce, attendent d'ici quelques jours la décision de la cour d'appel de Douai sur leur sort, dans une situation des plus précaires.

Son allure rappelle sans mal l'homme qu'il a été en Angola, comptable au sein du Groupe Valentim-Amões : grand, fin, discret, mais précis dans le discours, lunettes rondes. Sergio, 36 ans, avec son fils Teofilo et sa compagne Grâce, est aujourd'hui bien loin de son pays natal, colonie portugaise jusqu'en 1975. À Lens, en centre d'hébergement d'urgence, la famille a, depuis septembre dernier, obligation de quitter la France sans délai, situation fruit d'un véritable parcours du combattant.

 

L’expliquant dans un français frôlant la perfection, ce lusophone d’origine revient sur un passé tumultueux qui commence pourtant sous les meilleurs auspices en 2006, à Luanda. « J’ai été engagé au département de la finance, c’était mon premier emploi. Je contrôlais les entrées et sorties d’argent. » Le poste est à responsabilité, au service d’une société tentaculaire, autant investie dans l’immobilier que dans le tourisme, l’industrie, les transports ou, entre autres, le commerce des diamants.

Début 2008, Valentin Amões meurt dans un accident d’avion en Angola. S’ensuit un conflit entre héritiers, bouleversant à jamais la vie de Sergio. « En 2011, son fils a réuni le secteur de la finance, on devait lui transmettre tout document en notre possession. Moi, j’avais une clé USB prouvant certains mouvements d’argent. » Sous peine de renvoi, le comptable s’exécute. Mis en cause par ces mouvements, le frère de l’homme d’affaires décédé apprend l’initiative, Sergio est muté aux transports.

 « J’ai pleuré, je ne savais pas où aller »

Éloigné de la capitale, le trentenaire l’est aussi de sa famille. En mars 2016, son frère lui rend visite dans la province de Huambo. Seul chez lui, l’homme est assassiné par un individu venu frapper à la porte. La même semaine, le fils de l’entrepreneur défunt est retrouvé suicidé à 500 km de là, à Luanda. Alerté que c’était en fait lui qui était visé, Sergio quitte sans tarder le pays : Namibie, Zambie, Congo. À Kinshasa, où il retrouve Grâce et Teofilo, direction Paris en août, laissant deux enfants en Namibie.

Mise dans un train par son passeur, la petite famille arrive à Lille, quand elle pensait ne pas quitter Paris. « J’ai pleuré, je ne savais pas où aller », avoue Sergio, qui ne parle alors pas un mot de français. Successivement pris en charge par plusieurs associations, le trio passe par Sallaumines, Liévin, demande d’asile rejetée, Bully-les-Mines et, enfin, Lens. En septembre, le couperet tombe, il doit quitter le pays. Appel de la décision a été interjeté, réponse de la cour de Douai dans quelques jours.

 

 «Je n’ai jamais croisé les bras depuis mon arrivée»

Plaidant son cas comme il ne lui a pas véritablement été possible de le faire devant le tribunal de Lille en première instance, Sergio multiplie les preuves d’intégration au bassin minier. « Je n’ai jamais croisé les bras depuis mon arrivée. Mon fils est à l’école, il fait du foot à Sallaumines. Je prends des cours de français au Secours catholique et je fais du bénévolat ». Après avoir été aux cuisines du restaurant solidaire El Fouad à Avion, il donne un coup de main à la Croix-Rouge lensoise.

Ces preuves, absentes du dossier du trentenaire lors de son premier passage devant la justice administrative, ont depuis été ajoutées, et ce grâce à la mobilisation de l’association Accueil 9 de cœur, qui prodigue à la petite famille son hébergement d’urgence actuel, rue Saint-Élie à Lens. De son passé angolais, en revanche, il ne reste rien. « J’ai laissé tous les documents là-bas en fuyant. J’ai dû aller à l’ambassade à Paris pour obtenir une preuve de ma nationalité angolaise. »

 

Sergio n’a pu gagner la capitale qu’avec les 50 € qu’un bienfaiteur a bien voulu lui donner. Certes aidée par Accueil 9 de cœur, mais aussi Réseau éducation sans frontières, ému de la situation de Teofilo, la famille est sans le sou, comptant sur la solidarité locale pour ne serait-ce que se nourrir. Un entrepreneur basé dans la Drôme est prêt à l’embaucher, mais, sans permis de travail, ne le peut. « Je ne suis pas un migrant économique, tient à préciser le néo-Lensois, je suis parti parce que j’étais en danger. »

 

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