Assemblée générale 2017: Le rapport moral
marc on 06/07/2018 updated on 06/15/2018


A l'occasion de notre assemblée générale, ce 7 juin 2018, le discours de Mme la Présidente

Rapport moral 2017 - Accueil 9 de cœur

Nous voilà aujourd’hui réuni pour l’assemblée générale 2017 de l’association « Accueil 9 de cœur ».

C’est toujours un moment particulier que cet exercice statutaire obligatoire, auquel j’attache une très grande importance ; car c’est l’occasion de nous rencontrer, de partager et de prendre un peu de temps pour évoquer ensemble notre action et explorer un quotidien complexe qui s’emballe et nous emballe.

Je tiens donc à remercier chaleureusement les représentants de municipalités et d'organismes, les partenaires, salariés, bénévoles, administrateurs et personnes accueillies, venus par leurs présences nous témoigner leur intérêt, si cher à notre engagement et si important à nos cœurs.

Car la première ambition d’une association est d’associer. Notre œuvre se conjugue au citoyen pluriel et se décline dans une solidarité collective.

Être réuni aujourd'hui si nombreux n'est qu'un écho de cette réalité, mais c’est bien « le travailler ensemble » qui est la véritable réussite partagée de notre association ! … car c'est cette volonté sans cesse renouvelée de tisser des possibles entrecroisés qui nous permet de transformer une main tendue en une chaîne de solidarité efficiente, permettant de proposer des solutions diversifiées et de qualité aux personnes qui nous sollicitent.

Notre travail gagne en efficacité grâce à ces engagements complices, au travers des parcours coordonné d’accompagnement, du réseau dédié, des conventions (formalisées ou non) passées avec nos partenaires, de l'investissement reconnu de l'Accueil 9 de cœur dans les instances où se discutent les politiques sociales, etc.

Je ne dévoilerai pas maintenant les chiffres de l'activité et de l'exercice budgétaire 2017 ; d'autres le feront après moi, avec beaucoup plus de compétence. Je soulignerai toutefois qu'ils sont bons, peut-être trop !

Cela se traduit par des taux d'occupation supérieur à 100% qui démontre la persistance des grandes difficultés sociales de notre territoire et la pertinence de notre action - et un excédent financier pour chacun des dispositifs que nous gérons et au niveau associatif ; ce qui atteste d'une bonne gestion des fonds qui nous sont confiés et nous permet d'envisager un peu plus sereinement un avenir qu'on nous annonce particulièrement difficile.

J'insisterai aussi sur le fait que l’association Accueil 9 de cœur vit et pétille ; un feu d'artifice de projets au service de nos missions et des publics accueillis ; Ruban blanc, vacances familiales, travaux d’amélioration, ateliers d'insertion par la culture avec le Louvre-Lens, démarches exemplaires de participation citoyenne des personnes accueillies, participation à des actions humanitaires, moments festifs divers, équipe des professionnels qui évolue dans ses pratiques et sa composition, ...

A ce propos, je tiens encore à mettre en valeur cette équipe pluridisciplinaire qui porte avec conviction notre cadre éthique, qui fait preuve d'une grande motivation, voire de militantisme, et qui exerce ce difficile métier de l'aide à la personne, avec humilité, professionnalisme et engagement...

Oui monsieur Borloo, les salariés de l'Accueil 9 de cœur sont bien « des héros de la nation », de grands guerriers de notre république menant, au nom des principes d'égalité et de fraternité, un combat de plus en plus difficile, avec pour meilleures armes de construction massive, l'écoute active, l'empathie et la solidarité partagée.

Mais ils sont aussi, malheureusement, des intermittents précaires au service de la cohésion sociale, des bricoleurs de l’aide, des tisseurs de lien travaillant sans filet, des fous du roi privés de voie, des « Don Quichotte » impossible du social, des soldats méconnus, des travailleurs reniés et critiqués !

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire en d'autres lieux, j'ai de plus en plus l'impression amère que l'action sociale devient, à force de discrédit politique et de coup de rabot budgétaire, une pauvre compresse humanitaire posée sur une hémorragie sociale grandissante, notre travail une imposture et notre œuvre quotidienne, du bricolage …

Pire !

Les restrictions Macron-économiques qui sont aujourd'hui en œuvre et menacent jusqu'à l'existence de cet outil pourtant indispensable qu'est le Centre d’Hébergement et de Réinsertion sociale, la guerre qui est faite aux associations pour qu’elles ne puissent plus peser sur la démocratie à la française, les décisions sécuritaires qui jettent à terre les fondements de nos pratiques telles que la bienveillance ou le secret professionnel (on nous annonce aujourd'hui, par exemple, la mise en place des équipes mobiles des Préfectures qui vont venir dans nos établissements rechercher les personnes en situation d'existence administrative refusée) - les évolutions gouvernementales actuelles, donc, interrogent notre avenir, jusqu'à nos capacités de survie !

Faut-il nous résoudre à bricoler dans la précarité ? Faut-il craindre que les efforts déployés depuis tant d'années pour mener des actions de qualité accouchent au final d'actions de misère ? Faut-il organiser une régression de plusieurs siècles et proposer des asiles minimalistes sous contrôle d’État ? Faut-il se résoudre au tout économique et être l'instrument d'un modèle sociétal où l'homme n'a plus sa place ?

Et, à ce contexte politique déjà très compliqué, s'ajoute pour notre association l’impérieuse nécessité de reprendre certains de ses vieux combats, induit par la montée des radicalismes, que ce soit :

-) dans la lutte contre la radicalisation qui mène au terrorisme, qui, jugée naturellement prioritaire, remet en question les crédits FIPD jusqu'ici dédiés à la prévention contre les violences intrafamiliales et conjugales ; Entre la peste et le choléra, faut-il réellement choisir ?

-) dans la montée des égoïsmes et des populismes qui condamne toutes mains tendues, et particulièrement celles offertes aux hommes et femmes d'origine étrangères, privés aujourd'hui de tous moyens de subsistance et de dignité. Notre projet est de contribuer à une société de partage, juste, inclusive et fraternelle et nous n’abandonnerons personne sur le bord du chemin !

-) mais aussi au travers d'une reconnaissance politique exclusive d'un féminisme en mode « Balance ton porc! » qui dénonce notre choix de proposer une approche globale dans le traitement des violences conjugales, qui permette l'accueil sans distinction toutes les personnes victimes (femmes, hommes, couples et enfants) et explore avec celles-ci tous les moyens qu'elles auront choisi pour sortir de ce contexte infernal, incluant parfois l'accompagnement des couples qui souhaitent que cesse la violence mais n'envisagent pas la séparation comme unique sortie de cet enfer.

Notre association n’accepte pas d'être liée par des idées, mais veux créer des liens qui renforce une humanité partagée. Je crois fermement que nos pratiques singulières correspondent à un besoin réel, et que notre différence enrichit le débat sur le sujet.

L’accueil 9 de cœur ne pourra se résoudre à être l’instrument servile de choix politiques imposées qu’elle ne partage pas, car ils ne proposent pas de projet où tous les hommes et toutes les femmes que nous accueillons chaque jour, puissent espérer trouver leur place.

Je remettrai donc au goût du jour l'une de nos phrases étendard : « Pour une politique qui envisage et partage, et non qui dévisage et exclut ! »

Vous le voyez, la vie d'une association est particulièrement complexe, faite d'éclat de vivre, de colère, d'espoir, de lutte, de renoncement et de recommencement, ...

Je vous remercie sincèrement d'avoir partagée avec moi un peu de cette complexité et finirais mon propos, comme à mon habitude, par une citation que j'emprunte, cette année, à Françoise Dolto : « tout groupe humain puise sa richesse dans l'entraide et la solidarité visant un but commun : l'épanouissement de chacun dans le respect des différences.”

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